Lumières d’été

 

Avant le film proprement dit, Lumières d’été, la séance débute par un court-métrage, réalisé par Jean-Gabriel Périot en 2007, intitulé 200 000 fantômes). Pendant 10 minutes, des images d’archives se succèdent sur une musique mélancolique. Au centre de ces images, toujours pile au centre, le sommet du Genbaku dôme, seul bâtiment à être resté debout suite à l’explosion de la bombe, le 6 août 1945. On y voit le bâtiment lors de sa construction, puis avant la date funeste, puis après, pendant l’aménagement des abords en lieu de mémoire, jusqu’à nos jours. Sans un mot, ce court-métrage balaye plus d’un demi-siècle d’histoire et ce dôme, que rien de prédestinait à cette fonction, représente finalement la vie qui continue et qui se fraye toujours un chemin au milieu de l’horreur. Meurtrie au plus profond d’elle-même, presque rayée de la carte, la ville de Hiroshima a su se relever et entretenir la mémoire de cette catastrophe inimaginable. Ce qui m’avait marquée lors de ma visite, c’est l’étonnante ambiance paisible qui règne dans cette ville et notamment aux alentours du musée et du dôme. C’est précisément cette ambiance que j’ai retrouvée dans le long métrage de Jean-Gabriel Périot.

Akihiro est un réalisateur japonais, mais qui vit désormais en France depuis 20 ans. Il est de retour au pays, à Hiroshima, pour tourner un documentaire pour les 70 ans de la bombe et enregistre un témoignage d’une vieille dame, qui avait 14 ans le 6 août 1945. Elle lui raconte la vie « avant » et puis ce fameux jour, dont elle se rappelle presque chaque minute. Elle lui raconte l’onde de choc, la stupeur, les maisons rasées sur des kilomètres, les corps partout, morts, blessés, mutilés de façons impensables, la recherche de sa grande sœur, vivante, la recherche de sa mère, jamais retrouvée… Bref, cet entretien bouleverse Akihiro qui part reprendre son souffle dans le parc du mémorial de la paix. Il y fait la rencontre d’une jeune fille, vêtue d’un yukata. Elle est jolie, jeune, extrêmement souriante et semble savoir beaucoup de choses sur l’histoire de la ville. Elle va l’entraîner dans les rues d’Hiroshima puis, contre toute attente, au bord de la mer. Ce n’est que petit à petit qu’Akihiro va comprendre qui est cette jeune femme étrange, et le message qu’elle souhaite lui faire passer.

J’appréhendais un peu ce film, réalisé par un Français sur un sujet hautement sensible au Japon. Et puis, la pincée de culture traditionnelle avec la fête d’Obon aurait pu rapidement tourner au mauvais folklore mais il n’en est rien. Attention toutefois de ne pas passer à côté du film, il est bien de savoir ce qu’est cette fête pour en saisir toute la portée. J’ai été très émue par la façon dont Jean-Gabriel Périot a mêlé la gravité extrême du sujet avec la poésie et la légèreté de son histoire. Et c’est pour ça, je crois, que j’ai retrouvé dans ces images les sensations que j’avais ressenties à Hiroshima. Beaucoup de luminosité, de tranquillité, un souvenir omniprésent et la vie qui tourbillonne autour. Du coup, j’avoue que je ne sais pas trop comment quelqu’un qui n’est pas allé à Hiroshima peut percevoir ce film… Si vous allez le voir, vous me direz !

Les comédiens choisis sont soit débutants, soit carrément des amateurs recrutés à la volée sur place. Le résultat est d’une fraîcheur incroyable, quasi documentaire. Mention spéciale pour Akane Tatsukawa, la jeune fille, véritable rayon de lumière ambulant. J’ai très envie de la revoir et je l’imagine très bien chez Kore Eda. Oh la la oui.

 

Ghislaine
magic orange plastic bird
19 août 2017
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